[PV] Un réveil renaissant
The World Around Us :: :: Le Sud :: L'Hôpital
Page 1 sur 1 • Partagez
[PV] Un réveil renaissant
Post unique
Le stress. Je détestais cette sensation. La boule au ventre, à la gorge, qui me prenait sans le consentement de mon corps. J'espérais de tout coeur que ma mère n'arrive pas. C'était stupide, puisqu'elle me pensait malade, et que j'avais le droit de végéter dans mon lit, sans problème. Mais cette sensation, cette inquiétude, elle était quand même là. C'était dû à ma culpabilité je pense. Elle me prenait, pour des choses, aussi stupides, et surfaites, que les cours. En attendant, je ne savais même plus quels ombrages je faisais. Mon prof d'art plastique me tannait pour que je me mette à l'Aquarelle. Mais savoir créer des ombrages réalistes, et prenants, c'était déjà un énorme travail, en soi. Malgré ma boule au ventre, je me sentais plutôt bien. Trop bien, même... Ma vue se brouillait. J'avais des vertiges. Je sombrais. Pendant, une éternité...
Mes yeux s'ouvrirent brusquement... J'avais l'impression d'être étranglée : ma boule à la gorge, avait grandi puissance mille. Je ne pouvais à peine réfléchir, j'étais désorientée. La pièce qui m'entourait semblait blanche, mais restait quand même terne. C'était sans doute à cause de la crasse, il y en avait tellement que je pouvais la déceler de mon lit de.. De... D'hôpital ? Je rejetai un autre coup d'oeil un peu partout. Il semblerait... Mon coeur fit un bon très douloureux.
- Maman ?
Les larmes montaient aux yeux. Je me sentais démunie, comme un animal en bas de la chaîne alimentaire, livré à lui-même. Je réprimais un sanglot. Je sentais la panique monter. L'envie de crier me titillait un peu :
- Maman ?!
La porte s'ouvrit brusquement, ce qui me fit sursauter. C'est là où je remarquai à quel point mon corps était endolori.
- Wouaw.
C'était un homme, plus ou moins vieux, avec des cheveux et une barbe grise, assez impressionnante. Il portait une blouse blanche, qui semblait avoir fait son temps. Son teint halé prit une teinte plus pâle en me voyant. On aurait dit qu'il s'était trompé de chambre, ou que j'avais fait une erreur en étant ici. L'hypothèse comme quoi, je n'avais même pas ma place dans cet hôpital, me donna une difficulté en plus, pour retenir mes larmes. Je me forçais à ne pas cligner des yeux.
- Alors ça, je ne m'y attendais pas du tout, lâcha-t-il décontenancé.
- Je m'appelle P... Patty. Patricia, est-ce que je peux voir ma mère s'il vous plait ? Elle s'appelle Anneke. Mokae. Elle doit être dans la salle d'attente. Je...
Je m'interrompis.
Je comptais dévoiler la raison de ma présence ici, mais je me rendais compte que je ne savais même pas. Ce qui craignait un peu. Je ne savais pas pourquoi j'étais ici, j'étais tellement vulnérable, que j'avais l'impression qu'on avait abusé de moi sans que je m'en souvienne. Cette pensée me fit officiellement lâcher mon premier sanglot.
C'était horrible..
Je vis du coin de l'oeil le médecin s'approcher, et s'asseoir à côté de mon lit, en silence. Il attendait que je me calme, sans doute. C'était assez gênant. Je me sentis obligée d'arrêter de pleurer, pendant deux secondes, question de politesse, je ne voulais pas le laisser attendre pendant un temps indéfini. Malgré tout, la détresse planait, et je me sentais un peu contrariée, de ne pas avoir encore vu ma mère. Je comptais redemander une dernière fois, quand le médecin prit soudainement la parole :
- Vous avez été transférée dans un autre monde. Je suis navré de vous l'annoncer, mais vous ne reverrez plus jamais votre mère. Ni personne de vos proches, ou de vos connaissances, ou qui que ce soit sur Terre.
Aoutch.
- Je m'appelle Deshan. Je suis là pour répondre à vos questions.
L'horreur s'emparait de moi.
- Je veux voir ma mère, c'est non négociable, affirmai-je d'un ton autoritaire, qui me surprit moi-même. S'il vous plait.
Il me regardait d'un air tellement désolé que je me suis mise à réfléchir sur ses propos.
- J'ai pas compris. Qu'est-ce que je fais là ? Pourquoi j'suis ici ? Où est ma mère ? Depuis combien de temps j'étais dans le coma ?
Le médecin Deshan prit un air plus emprunt à la conversation. Visiblement, il pouvait répondre facilement à mes questions.
- Cela a fait exactement, trois heures et quarante-sept minutes, déclara-t-il en regardant sa montre. C'est assez rare de voir des transférés se réveiller aussi vite.
Je ne répondis rien... Je me contentai de me tourner dans mon lit, malgré les douleurs, avant de fermer les yeux pour vraiment m'effacer dans cette folie sans nom.
Je me réveillai. Une énième fois. Je cherchai instinctivement l'odeur des tartines beurrées à la confiture, et la lumière du soleil. J'ouvris les yeux. Fort était de constater, que je ne trouvai aucun des deux. L'envie de hurler se fit plus forte que la dernière fois. Pour la peine, je me levai brusquement, faisant fi de mes vertiges. Je m'avançai vers la fenêtre, pour l'ouvrir brusquement. Ce fut, le choc. Mon coeur faillit sortir de ma poitrine.
Le ciel n'était définitivement pas comme d'habitude. Je ne savais l'expliquer, c'était à la fois plus lumineux, mais pas vraiment, c'était peut-être juste la couleur, qui était différente. Je me sentis terriblement mal. En moins de deux, je rejetai ce que j'avais dans mon estomac. C'est à dire, rien. Que de la bille. Mais avec une douleur aiguë, passablement insupportable, plus que d'habitude même.
En plus, j'avais soif.
Un bruit sourd se fit entendre : quelqu'un entra. C'était une jeune femme, avec des cheveux crêpus qui surplombaient sa tête de manière impressionnante. Elle avait un septum en guise de piercing.
- Bon, tu es enfin réveillée. Quelqu'un qui a dormi plus de treize heures sans sédatif, je n'avais encore jamais vu ça. Es-tu prête à recevoir de plus amples explications ?
Je la regardai, stoïque, sans comprendre.
- Ma mère... P... Pourquoi tout ça ? Pourquoi je suis là ?
Je m'interrompis en ne sachant pas trouver mes mots.
- Pourquoi c'est pas croyable ? Qu'est-ce qui me prouve que vous dites vrai ? Je suis prête à sauter si je constate que ce n'est qu'une expérience, à base de torture et d'expériences ultra bizarres.
Je n'avais jamais parlé aussi vite.
- Amnesty International entendra parler de tout ça, menaçai-je hors de moi.
Cela devait se voir sur mon visage. Je gardai les yeux ouverts, pour lui montrer que j'étais sérieuse. Et mes lèvres, étaient remontées dans une expression de dégoût. Je le sentais pour la première fois depuis longtemps.
La jeune femme n'avait aucune expression. Elle fronçait même des sourcils, comme si elle ne savait pas de quoi je parlais.
Soudain, la chaleur me prit, des arbres aux feuilles envahissantes et bien vertes m'entouraient, des bruits d'insecte et d'oiseaux m'envahissaient, le soleil brillait vigoureusement. Je lâchai un cri de surprise, ne comprenant rien à la logique de la situation. Putain, je disjonctais.
L'instant d'après, je fus gelée de la tête au pied, une étendue de neige me faisait face, plus aucun bruit ne se faisait entendre, juste le vent.
C'en était trop. Je m'effondrai sur place, mes jambes ne me soutenaient plus.
Le décor macabre d'hôpital refit surface. J'étais littéralement, en train, de me pisser dessus. (Heureusement pour moi, ma vessie ne semblait lâcher que quelques goûtes dans ma culotte d'hôpital.) Je me laissai aussi consumer définitivement par mes larmes.
- On est dans un autre monde, Patty. Une autre galaxie, une autre planète, une autre cité. Je suis désolée.
Elle avait prononcé ses derniers mots comme l'annonce de la pire nouvelle jamais entendue.
- Ce que tu viens de voir, c'est mon pouvoir. Tu en as un toi aussi, rajouta-t-elle d'un ton enjoué. Tu vas mettre un petit peu de temps avant de le découvrir, mais c'est quasi sûr, tu en as un.
Elle s'approcha calmement, et s'installa en tailleur à mes côtés, toujours avec son sourire presque bienveillant.
- Nous ne savons pas pourquoi cette situation. Nous ne savons pas quel est le but de ce monde, et pourquoi on a tous été amenés ici. Mais il va falloir se montrer forte. Il n'est pas rare que les personnes meurent par ici. Cette cité a été bâtie il y a plus de cinquante ans. Pour survivre, on se serre les coudes : à chacun est attribué une fonction, un travail, pour maintenir le bien de la cité. Tu as ici, quatre secteurs : l'artisanat, ce sont ceux qui réparent, qui construisent. La défense, ceux qui s'occupent de protéger la cité, et de maintenir un certain ordre. La recherche, tout est dans le nom. Et pour finir, la santé. Ceux qui soignent, ou qui s'occupent des personnes transférées, comme toi.
Elle finit sa phrase avec ce même sourire qui me donnait, je l'avoue, de moins en moins d'envie de meurtre.
- Quand tu iras mieux et que tu te sentiras prête à sortir, tu seras intégrée à un secteur. Un mentor sera là pour te guider dans ta nouvelle fonction au sein de la cité. Tu as des questions ?
En guise de réponse, la boule à la gorge revint. J'avais à nouveau envie de pleurer. Ce n'était pas possible. J'avais tellement d'interrogations : comment ma mère va me réagir quand elle me verra plus ? Est-ce que je suis officiellement morte sur Terre ? Est-ce que je suis devenue folle aussi ? C'était une possibilité très probable.
- Comment on fait pour survivre à tout ça ?
La réponse a été au finale, beaucoup plus facile à trouver que je ne le pensais. Il suffisait de continuer de vivre. Enfin, "suffisait", je devais encore faire mon deuil. Réaliser que je ne serais plus jamais la même personne, que je devais faire une croix sur ma vie, sur mes rêves, sur mes aspirations au bonheur pur et simple. Sur ma mère, sur Diana, sur mes cousines, sur mes tantes, sur tous mes amis... Je serai tout autre. Au final, la solution, était de vivre. Comme si tu étais dans un bocal remplie d'eau glacée, avec cette puce, en guise d'identité, (à la 1984 presque), mais je me devais de vivre. Ma nouvelle fonction m'y aidait. Mon mentor m'avait donné une courte formation de quelques mois. Avec ma mère, qui bossait dans la plomberie, je n'étais pas trop dépaysée de la boîte à outil. (Même si elle était plus sophistiquée.) Je pouvais rafistoler une chaudière simpliste modèle survie apocalyptique, et réparer un bon nombre de machines présentes dans la cité. Mais inutile de dire, que la dépression me guettait. Je n'avais pas encore mes pouvoirs, mais d'après les médecins, c'était tout à fait normal. Ça pouvait mettre un peu de temps avant de se déclencher.
En attendant, cette nouvelle atmosphère me donnait continuellement soif. J'étais emprunte au vomi, à la déshydratation à la limite du morbide. Les gens étaient assez indulgents avec moi, surtout les premières semaines, quand je dormais n'importe quand, et quand j'avais du mal à me mettre au travail à cause d'un surplus de fatigue, apporté par mes sommeils, pas du tout réparateurs. Et c'était sans compter, que j'étais encore dans le rythme, des vingt-quatre heures connues, sur la sainte terre. La terre... Rien que d'y penser, j'avais envie de pleurer.
Je n'avais plus aucun habit à moi du coup, que des vieux vêtements donnés à tous les arrivants. Il me restait mon carnet de dessin, que je devrais brûler un jour en guise de thérapie. Je n'avais plus trop de santé mentale. Il paraîtrait que je pleure beaucoup trop, pendant la nuit. Il m'était déjà aussi arrivé, de m'éloigner de toute civilisation, pour arriver quasi du côté des remparts, afin de hurler à en pleurer. Les gardes ont sans doute dû m'entendre, mais vu le contexte, ils doivent être habitués aux freaks, et aux demeurés. Freak. Ça n'avait même plus la même signification pour moi, que dans le monde réel. Avant, c'était comme une marque de subversion, là la subversion n'avait plus aucun sens.
Au final, le seul mot qui avait tout son sens, en ce contexte, quelque peu insupportable, et avec aucune autre perspective, que de garder le cap : c'était survivre.
Le stress. Je détestais cette sensation. La boule au ventre, à la gorge, qui me prenait sans le consentement de mon corps. J'espérais de tout coeur que ma mère n'arrive pas. C'était stupide, puisqu'elle me pensait malade, et que j'avais le droit de végéter dans mon lit, sans problème. Mais cette sensation, cette inquiétude, elle était quand même là. C'était dû à ma culpabilité je pense. Elle me prenait, pour des choses, aussi stupides, et surfaites, que les cours. En attendant, je ne savais même plus quels ombrages je faisais. Mon prof d'art plastique me tannait pour que je me mette à l'Aquarelle. Mais savoir créer des ombrages réalistes, et prenants, c'était déjà un énorme travail, en soi. Malgré ma boule au ventre, je me sentais plutôt bien. Trop bien, même... Ma vue se brouillait. J'avais des vertiges. Je sombrais. Pendant, une éternité...
oOo
Mes yeux s'ouvrirent brusquement... J'avais l'impression d'être étranglée : ma boule à la gorge, avait grandi puissance mille. Je ne pouvais à peine réfléchir, j'étais désorientée. La pièce qui m'entourait semblait blanche, mais restait quand même terne. C'était sans doute à cause de la crasse, il y en avait tellement que je pouvais la déceler de mon lit de.. De... D'hôpital ? Je rejetai un autre coup d'oeil un peu partout. Il semblerait... Mon coeur fit un bon très douloureux.
- Maman ?
Les larmes montaient aux yeux. Je me sentais démunie, comme un animal en bas de la chaîne alimentaire, livré à lui-même. Je réprimais un sanglot. Je sentais la panique monter. L'envie de crier me titillait un peu :
- Maman ?!
La porte s'ouvrit brusquement, ce qui me fit sursauter. C'est là où je remarquai à quel point mon corps était endolori.
- Wouaw.
C'était un homme, plus ou moins vieux, avec des cheveux et une barbe grise, assez impressionnante. Il portait une blouse blanche, qui semblait avoir fait son temps. Son teint halé prit une teinte plus pâle en me voyant. On aurait dit qu'il s'était trompé de chambre, ou que j'avais fait une erreur en étant ici. L'hypothèse comme quoi, je n'avais même pas ma place dans cet hôpital, me donna une difficulté en plus, pour retenir mes larmes. Je me forçais à ne pas cligner des yeux.
- Alors ça, je ne m'y attendais pas du tout, lâcha-t-il décontenancé.
- Je m'appelle P... Patty. Patricia, est-ce que je peux voir ma mère s'il vous plait ? Elle s'appelle Anneke. Mokae. Elle doit être dans la salle d'attente. Je...
Je m'interrompis.
Je comptais dévoiler la raison de ma présence ici, mais je me rendais compte que je ne savais même pas. Ce qui craignait un peu. Je ne savais pas pourquoi j'étais ici, j'étais tellement vulnérable, que j'avais l'impression qu'on avait abusé de moi sans que je m'en souvienne. Cette pensée me fit officiellement lâcher mon premier sanglot.
C'était horrible..
Je vis du coin de l'oeil le médecin s'approcher, et s'asseoir à côté de mon lit, en silence. Il attendait que je me calme, sans doute. C'était assez gênant. Je me sentis obligée d'arrêter de pleurer, pendant deux secondes, question de politesse, je ne voulais pas le laisser attendre pendant un temps indéfini. Malgré tout, la détresse planait, et je me sentais un peu contrariée, de ne pas avoir encore vu ma mère. Je comptais redemander une dernière fois, quand le médecin prit soudainement la parole :
- Vous avez été transférée dans un autre monde. Je suis navré de vous l'annoncer, mais vous ne reverrez plus jamais votre mère. Ni personne de vos proches, ou de vos connaissances, ou qui que ce soit sur Terre.
Aoutch.
- Je m'appelle Deshan. Je suis là pour répondre à vos questions.
L'horreur s'emparait de moi.
- Je veux voir ma mère, c'est non négociable, affirmai-je d'un ton autoritaire, qui me surprit moi-même. S'il vous plait.
Il me regardait d'un air tellement désolé que je me suis mise à réfléchir sur ses propos.
- J'ai pas compris. Qu'est-ce que je fais là ? Pourquoi j'suis ici ? Où est ma mère ? Depuis combien de temps j'étais dans le coma ?
Le médecin Deshan prit un air plus emprunt à la conversation. Visiblement, il pouvait répondre facilement à mes questions.
- Cela a fait exactement, trois heures et quarante-sept minutes, déclara-t-il en regardant sa montre. C'est assez rare de voir des transférés se réveiller aussi vite.
Je ne répondis rien... Je me contentai de me tourner dans mon lit, malgré les douleurs, avant de fermer les yeux pour vraiment m'effacer dans cette folie sans nom.
oOo
Je me réveillai. Une énième fois. Je cherchai instinctivement l'odeur des tartines beurrées à la confiture, et la lumière du soleil. J'ouvris les yeux. Fort était de constater, que je ne trouvai aucun des deux. L'envie de hurler se fit plus forte que la dernière fois. Pour la peine, je me levai brusquement, faisant fi de mes vertiges. Je m'avançai vers la fenêtre, pour l'ouvrir brusquement. Ce fut, le choc. Mon coeur faillit sortir de ma poitrine.
Le ciel n'était définitivement pas comme d'habitude. Je ne savais l'expliquer, c'était à la fois plus lumineux, mais pas vraiment, c'était peut-être juste la couleur, qui était différente. Je me sentis terriblement mal. En moins de deux, je rejetai ce que j'avais dans mon estomac. C'est à dire, rien. Que de la bille. Mais avec une douleur aiguë, passablement insupportable, plus que d'habitude même.
En plus, j'avais soif.
Un bruit sourd se fit entendre : quelqu'un entra. C'était une jeune femme, avec des cheveux crêpus qui surplombaient sa tête de manière impressionnante. Elle avait un septum en guise de piercing.
- Bon, tu es enfin réveillée. Quelqu'un qui a dormi plus de treize heures sans sédatif, je n'avais encore jamais vu ça. Es-tu prête à recevoir de plus amples explications ?
Je la regardai, stoïque, sans comprendre.
- Ma mère... P... Pourquoi tout ça ? Pourquoi je suis là ?
Je m'interrompis en ne sachant pas trouver mes mots.
- Pourquoi c'est pas croyable ? Qu'est-ce qui me prouve que vous dites vrai ? Je suis prête à sauter si je constate que ce n'est qu'une expérience, à base de torture et d'expériences ultra bizarres.
Je n'avais jamais parlé aussi vite.
- Amnesty International entendra parler de tout ça, menaçai-je hors de moi.
Cela devait se voir sur mon visage. Je gardai les yeux ouverts, pour lui montrer que j'étais sérieuse. Et mes lèvres, étaient remontées dans une expression de dégoût. Je le sentais pour la première fois depuis longtemps.
La jeune femme n'avait aucune expression. Elle fronçait même des sourcils, comme si elle ne savait pas de quoi je parlais.
Soudain, la chaleur me prit, des arbres aux feuilles envahissantes et bien vertes m'entouraient, des bruits d'insecte et d'oiseaux m'envahissaient, le soleil brillait vigoureusement. Je lâchai un cri de surprise, ne comprenant rien à la logique de la situation. Putain, je disjonctais.
L'instant d'après, je fus gelée de la tête au pied, une étendue de neige me faisait face, plus aucun bruit ne se faisait entendre, juste le vent.
C'en était trop. Je m'effondrai sur place, mes jambes ne me soutenaient plus.
Le décor macabre d'hôpital refit surface. J'étais littéralement, en train, de me pisser dessus. (Heureusement pour moi, ma vessie ne semblait lâcher que quelques goûtes dans ma culotte d'hôpital.) Je me laissai aussi consumer définitivement par mes larmes.
- On est dans un autre monde, Patty. Une autre galaxie, une autre planète, une autre cité. Je suis désolée.
Elle avait prononcé ses derniers mots comme l'annonce de la pire nouvelle jamais entendue.
- Ce que tu viens de voir, c'est mon pouvoir. Tu en as un toi aussi, rajouta-t-elle d'un ton enjoué. Tu vas mettre un petit peu de temps avant de le découvrir, mais c'est quasi sûr, tu en as un.
Elle s'approcha calmement, et s'installa en tailleur à mes côtés, toujours avec son sourire presque bienveillant.
- Nous ne savons pas pourquoi cette situation. Nous ne savons pas quel est le but de ce monde, et pourquoi on a tous été amenés ici. Mais il va falloir se montrer forte. Il n'est pas rare que les personnes meurent par ici. Cette cité a été bâtie il y a plus de cinquante ans. Pour survivre, on se serre les coudes : à chacun est attribué une fonction, un travail, pour maintenir le bien de la cité. Tu as ici, quatre secteurs : l'artisanat, ce sont ceux qui réparent, qui construisent. La défense, ceux qui s'occupent de protéger la cité, et de maintenir un certain ordre. La recherche, tout est dans le nom. Et pour finir, la santé. Ceux qui soignent, ou qui s'occupent des personnes transférées, comme toi.
Elle finit sa phrase avec ce même sourire qui me donnait, je l'avoue, de moins en moins d'envie de meurtre.
- Quand tu iras mieux et que tu te sentiras prête à sortir, tu seras intégrée à un secteur. Un mentor sera là pour te guider dans ta nouvelle fonction au sein de la cité. Tu as des questions ?
En guise de réponse, la boule à la gorge revint. J'avais à nouveau envie de pleurer. Ce n'était pas possible. J'avais tellement d'interrogations : comment ma mère va me réagir quand elle me verra plus ? Est-ce que je suis officiellement morte sur Terre ? Est-ce que je suis devenue folle aussi ? C'était une possibilité très probable.
- Comment on fait pour survivre à tout ça ?
oOo
La réponse a été au finale, beaucoup plus facile à trouver que je ne le pensais. Il suffisait de continuer de vivre. Enfin, "suffisait", je devais encore faire mon deuil. Réaliser que je ne serais plus jamais la même personne, que je devais faire une croix sur ma vie, sur mes rêves, sur mes aspirations au bonheur pur et simple. Sur ma mère, sur Diana, sur mes cousines, sur mes tantes, sur tous mes amis... Je serai tout autre. Au final, la solution, était de vivre. Comme si tu étais dans un bocal remplie d'eau glacée, avec cette puce, en guise d'identité, (à la 1984 presque), mais je me devais de vivre. Ma nouvelle fonction m'y aidait. Mon mentor m'avait donné une courte formation de quelques mois. Avec ma mère, qui bossait dans la plomberie, je n'étais pas trop dépaysée de la boîte à outil. (Même si elle était plus sophistiquée.) Je pouvais rafistoler une chaudière simpliste modèle survie apocalyptique, et réparer un bon nombre de machines présentes dans la cité. Mais inutile de dire, que la dépression me guettait. Je n'avais pas encore mes pouvoirs, mais d'après les médecins, c'était tout à fait normal. Ça pouvait mettre un peu de temps avant de se déclencher.
En attendant, cette nouvelle atmosphère me donnait continuellement soif. J'étais emprunte au vomi, à la déshydratation à la limite du morbide. Les gens étaient assez indulgents avec moi, surtout les premières semaines, quand je dormais n'importe quand, et quand j'avais du mal à me mettre au travail à cause d'un surplus de fatigue, apporté par mes sommeils, pas du tout réparateurs. Et c'était sans compter, que j'étais encore dans le rythme, des vingt-quatre heures connues, sur la sainte terre. La terre... Rien que d'y penser, j'avais envie de pleurer.
Je n'avais plus aucun habit à moi du coup, que des vieux vêtements donnés à tous les arrivants. Il me restait mon carnet de dessin, que je devrais brûler un jour en guise de thérapie. Je n'avais plus trop de santé mentale. Il paraîtrait que je pleure beaucoup trop, pendant la nuit. Il m'était déjà aussi arrivé, de m'éloigner de toute civilisation, pour arriver quasi du côté des remparts, afin de hurler à en pleurer. Les gardes ont sans doute dû m'entendre, mais vu le contexte, ils doivent être habitués aux freaks, et aux demeurés. Freak. Ça n'avait même plus la même signification pour moi, que dans le monde réel. Avant, c'était comme une marque de subversion, là la subversion n'avait plus aucun sens.
Au final, le seul mot qui avait tout son sens, en ce contexte, quelque peu insupportable, et avec aucune autre perspective, que de garder le cap : c'était survivre.
- PattyGénéralDétailsHRP
The World Around Us :: :: Le Sud :: L'Hôpital
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum